samedi 25 janvier 2014

Début d'un dialogue?

Je me souviens de toi quand tu étais petite et que tu riais tout le temps. Je me souviens aussi des fois où tu pleurais parce qu'on se battait. 
Et puis Papa est mort et tout a changé. Tu as changé, maman a changé, j'ai changé. La douleur ne s'atténue pas avec le temps, nous le savons toutes les deux. Tu souffres, j'ai énormément souffert de son absence quand j'étais au collège, je me demandais quel sens pouvait avoir la vie sans lui. Durant des années, je n'ai plus eu de souvenirs de notre enfance avec lui. J'ai trouvé sa mort encore plus injuste pour toi que pour moi, tu l'as encore moins connu. On en parle jamais, comment en parler? Pourquoi? Nous avons toutes la même douleur et je ne sais pas en parler sans en pleurer. Je n'ai pas su faire mon deuil et toi non plus. Je ne sais pas si un jour on le fera.
Après sa mort, pendant trois, je me suis voilée la face, j'ai fait semblant que tout allait bien et que je pourrais surmonter cela seule. C'était une erreur, aujourd'hui, je le sais. J'ai été aidée, c'était la meilleure solution, j'en suis ressortie beaucoup plus forte.

Comme toi, je ne me suis jamais sentie comme les autres. J'avais toujours l'impression d'être différente et qu'ils ne me comprendraient jamais. Et puis, j'ai rencontré Clara. Clara m'a beaucoup apportée car Clara a une force que personne n'a. Elle m'a apprise que dans la vie, il faut avoir la rage de vivre. On a cherché toutes les deux des personnes qui, un jour, nous comprendraient, qui, un jour, arriveraient à se rendre compte de notre souffrance. Mais personne ne peut se mettre à notre place malheureusement. Nous serons toujours différentes mais pour autant, nous ne pouvons pas être en dehors de la société. 

Hier, une de tes amies a perdu son père. Tu sais ce qu'elle ressent et c'est pour cela que ça te fait si mal. D'une part, son histoire te rappelle la tienne. D'autre part, tu n'as pas envie qu'elle connaisse la même souffrance.

Nous réagissons tous différemment à la souffrance. Je faisais des crises d'angoisse, je me pourrissais la vie à cause du stress et de l'absence de Papa. Toi, tu ne manges pas. J'ai tellement lu d'articles sur les anorexiques, je me suis renseignée. Je ne veux pas de tous ces traitements pour toi. Ils internent les filles quand elles sont trop maigres et les coupent de leur famille et de leurs amis. Les résultats sont plutôt vains. Je sais qu'il ne faut pas te dire de manger manger manger comme les gens n'ont de cesse de te dire. Pourquoi s'acharner sur toi? Je te soutiendrai toujours, je me débrouillerai pour que les gens ne t'embêtent plus avec ça. Je me rappelle des débuts de ton refus de t'alimenter convenablement, les autres te trouvaient grosse à l'école, tu as voulu rentrer dans le moule au départ, puis l'enfer a commencé... Je vais te dire une phrase que j'ai entendu dans le film sur Yves Saint Laurent, "Est ce que tu veux mourir ou est ce que tu veux vivre?". Dis moi que tu veux vivre, avec Maman on est là, qu'est ce que je ferais sans toi, qu'est-ce qu'elle deviendra si tu disparais?

Tu ne dis jamais rien, je n'ai jamais su pourquoi nous étions si différentes... Tu es inquiète pour Maman, je le sens. C'est vrai qu'elle peut retomber malade mais pour l'instant elle va bien... J'ai merdé quand elle souffrait de son cancer, je n'ai pas su m'occuper d'elle comme tu le faisais, je n'ai pas ta force de caractère, je ne sais pas résister devant la douleur des autres. 

Je me souviens l'an passé quand tu avais un copain, tu étais tellement différente, pour la première fois depuis des années, j'avais l'impression que tu vivais. Et un jour, il est parti. Tu n'as jamais dit que tu avais mal mais ca se voyait. C'est normal de pleurer, de souffrir pour son premier amour même quand on a vécu des tas de choses avant. Quand Romain m'a quittée, j'ai cru que le monde entier allait s'écrouler, je me trouvais pitoyable, j'étais juste humaine. 

Tu te réfugies dans les cours pour oublier mais est-ce efficace?
Ce n'est pas être fou que de voir un psychologue, au contraire. Je sais combien c'est dur d'y aller. Quand on y va, on s'avoue qu'on n'est plus capable de tout faire seul alors qu'avant on croyait pouvoir vaincre des armées entières. Pourtant, c'est excellent car ça permet de se reconstruire, de comprendre tout ce qui ne va pas en nous. 


Malgré tout ce qu'on vit, je suis persuadée qu'on peut toujours s'en sortir. 


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