mardi 24 juin 2014

Rencontre inattendue - Septembre 2013

Deux regards échangés. Des signaux envoyés. Des rêves éclipsés. Deux personnes. Un homme. Une femme. Ils avancent, se percutent. Son sac tombe. Il ramasse son rouge à lèvres carmin, son mouchoir blanc et ses lunettes. La foudre a frappé. Dans ses yeux, il s'est plongé. Elle est belle, doit avoir trente ans et il a un âge similaire. Une rencontre inopinée peut tout changer. Il imagine sa vie, il se projette dans ses pensées. Elle le remercie d'avoir ramassé ses affaires. Elle semble pressée. Oui, mais par quoi? Au milieu de cette foule oppressante d'un boulevard parisien, il ne voit plus qu'elle. Ses yeux l'appellent, ses seins frémissants le réveillent, ses lèvres tendres l'émerveillent. L'espace d'un instant, il a vu cette femme, belle, il aurait voulu lui dire tant... Il ferme les yeux un moment, fatigué par ces nuits agitées, mais déjà, elle n'est plus là. Elle est la femme d'une avenue, des Champs-Elysées, la femme qu'on croise et qu'on ne retrouve plus. Déjà, il a perdu sa trace. 
Elle reste celle avec qui il a entrevu des rêves, une vie meilleure que celle d'un homme de trente ans ne vivant que pour son travail épuisant.
Femme d'un instant à qui il pense souvent. Peut-être l'apercevra-t-il au coin d'une rue, dans un couloir de métro, au fond d'un café. 
Coup de foudre.

- Tu te souviens de moi? 
- ....
- Je t'ai bousculée l'autre jour aux Champs et j'avais fait tomber ton sac.
- Je me rappelle
Froide, glaciale même elle semblait. Il n'avait pas osé lui dire qu'il la trouvait jolie, qu'elle avait quelque chose de particulier. Envoûté, il n'avait pas pensé à lui demander son nom, ni ses coordonnées. Pris de regrets, il la suivit.
Elle vivait dans un appartement situé près des Buttes-Chaumont. Elle l'aperçut. Etonnée, angoissée, sa bouche demeurait close, ses lèvres ne voulaient se délier. Un inconnu la suivait jusqu'à chez elle. Mais que pouvait-il donc lui vouloir? Elle, cette femme sans histoire, pas mariée, vivant seule avec comme unique occupation sa boutique de prêt-à-porter qu'elle gérait depuis la mort de ses parents. 
Une styliste méconnue inspirée par les arabesques et les motifs Art Nouveau. Elle rêvait de se lancer dans la joaillerie et de créer des motifs à la Lalique. Elle était partie à Vienne et avait été fascinée par les tableaux de Klimt. Depuis, elle vouait un culte à l'Art Nouveau. 
Il ignorait tout de sa personnalité. 
- Que me voulez-vous? Pourquoi m'avez-vous suivie jusqu'ici? 
- Je vous trouvais jolie et je voulais discuter. 
- Allez vous-en !
Elle eut pitié en voyant son regard dépité. Ses yeux n'étaient plus émeraude mais un diamant terni. 
- Venez, allons prendre un café !

Aristide Maillol, Profil de femme, vers 1890, huile sur toile, 73X100cm, Perpignan, musée Rigaud



jeudi 12 juin 2014

Cauchemardesque réalité - 2010

Elle n’était ni frêle, elle n’était ni belle,
Juste perdue dans un monde inconnu,
Recroquevillée au coin d’une rue
L’esprit ainsi que les idées s’emmêlent,


Yeux trop maquillés et teint orangé,
Paillettes, puis, du noir. Impossible d’y croire.
Rêves d’été, de fille émerveillée,
D’une demoiselle désespérée,

Dont les songes n’étaient pas réalisés.
Il suffisait de voir dans son miroir.
Glace tâchée, souvenirs envolés.
Un reflet souillé de gouttes de sang.
           
Et un paraître  loin d’être innocent,
Allant de provocant à aguichant.
La jupe s’envolant avec le vent
Laissait entrevoir son côté vivant,

Femme d’argent ou bien de compagnie,
Gourmandise ou objet de tentation, 
Péchés de la sauvageonne de la nuit,
Ephémérité du doux papillon.

A la pointe de la vulgarité,
Dénudée et rarement habillée
Celle qui garde vos hommes entre ses griffes
Et qui rend vos maris toujours plus vifs.
           
Puis la péripatéticienne s’en va,
Elle est à nouveau seule, à nouveau las.
Poches fleuries de billets, de monnaie,
Elle serpente les impasses en secret.

Il fait jours, elle a peur de cette horreur
Pourtant chaque soir la même erreur
Elle se déteste mais elle n’y peut rien.
Elle veut arrêter, ne plus être un chien.

Alors elle se prend en main, mais en vain.
Elle noie son chagrin dans  dix verres de vin.
Chez un client, elle fait couler un bain.
Pour une fois, elle décide de la fin.
           
Elle s’ouvre et s’autotaille les veines
Elle vide l’eau et écrit sur son dos
Quatre syllabes, douze lettres, un mot :

Prostitution.

Gervex, Rolla, 1878, Paris, musée d'Orsay


mardi 10 juin 2014

Dix ans après - évolution

Soleil luisant, pluie ensevelie.
Jours sombres, où êtes-vous? Morosité, que deviens-tu? L'appel de la douleur s'était calmé. Le bonheur suit le mouvement des fleurs, il tend vers la chaleur comme ces tournesols couleur or. Les moeurs disparaissent, le temps s'arrête. Un lutin est entré dans l'horloge et a défait le mécanisme. Il est tard mais peu importe puisque les minutes ne s'écoulent plus. Tu es mort et je vis encore. Je t'aime de toutes mes forces, je souris pour toi, des années après. Tu restes si près, mais si impalpable. Violet, rouge, bleu, vert. Quelle est ta couleur? 
Te lancer un seau de farine pour te permettre d'apparaître? Tu demeures un spectre. Les fantômes ne parlent pas et perpétuent leur invisibilité. Pourquoi les ailes de la blanche colombe ont emporté mon enfance? Qu'aimes-tu aujourd'hui? Est-ce qu'au ciel tu observes les enfants crier, les amants s'aimer et les canards se chamailler? Vois-tu la fin du monde? Du mien? Tu peux aussi ne plus exister. Un au-delà chimère, un là-bas éphémère. Taire ton nom en t'aimant pour l'éternité. Si tu savais comme je vais bien sans toi, je n'ai pas perdu ma dignité. Le sourire, les fous rire, vivre. A la lueur de la bougie, je t'écris. Sans toi, je n'imaginais pas la vie pourtant, j'ai passé plus de temps sans toi qu'à tes côtés.
Un soir de fête des mères, une veille d'anniversaire, un jour ensoleillé. 

Ce jour de juin si bien commencé où tu t'en es allé.



Friedrich, Femme dans le soleil du matin, 1818

dimanche 8 juin 2014

Quelques vers matinaux

Rosée du matin après un soir de pluie,
Douceur enveloppante d'une tendre nuit,
Eau ruisselante et cours d'eau,
L'averse s'abat autant que les maux,
Parler ne suffit plus, l'amour est tu
Voir la vie comme un ingénu,
La parole est vaine, l'extase plus saine,
Nous évoluons dans ce monde incroyable,
Où nous nous sentons souvent incapables,
Les hommes ressemblent à des silènes,
Là, au milieu du jardin, une accalmie,
Deux amoureux s'étreignent au milieu des fleurs,
Les gestes source de leur bonheur,
Ces amants goûtent à l'infini.

August Sander, Enfants de bourgeois, 1925, photographie, argentique