samedi 1 novembre 2014

Jeux d'enfants

Si jeunes, si insouciantes. 
Nous jouions comme des grandes sans avoir dépassé l'enfance. Je t'aimais sans le comprendre. 
Comment réaliser à cet âge, lorsqu'on a toujours été attirée par les garçons, qu'on puisse aimer une fille? 
Nous avions quinze ans, ce bel âge adolescent.

           La première fois que je t'ai vue, nous rentrions en sixième. Ma mère connaissait ton père, je te l'ai signalé et ta réponse fut glaciale. Tu ne restais qu'avec une seule personne, une fille que je n'aimais pas. Tu semblais particulièrement effacée, avec assez peu de personnalité. A la fin de cette première année scolaire, tu étais déjà ma meilleure amie. Nous avons commencé à beaucoup nous fréquenter. Tu dormais chez moi, je dormais chez toi, je passais des jours entiers à tes côtés, tu venais m'épauler, je mangeais avec toi, tu dinais près de moi. Nous parlions sans cesse.
           L'année d'après, nous avons eu notre première dispute. Rien de grave. M nous a réconciliées. Je le vois encore tu sais, il est mon meilleur ami. Il ne réalise pas toujours ce que nous avons vécu toutes les deux, dans cette bulle secrète. 
           Tu m'as fait rire si souvent, tu m'as tellement fait sourire. Notre relation était presque exclusive pourtant nous étions meilleures amies. 
           Et puis, nous sommes arrivées en troisième, l'année où on se cherche, l'année de la découverte. J'étais amoureuse d'un garçon et toi aussi, alors voilà, notre relation semblait normale. Pourtant, tout le monde pensait que nous étions ensemble. Tu me tenais la main, nous nous faisions des bisous et tu restais toujours assise sur mes genoux. Un jeu, le début de ce fameux jeu si excitant auquel nous avons cédé. 
           L'été fut fort. Très fort. Tu es partie pendant un mois aux Etats-Unis. Tu me manquais horriblement. Je me souviens des mails que tu m'écrivais, ils étaient beaux, ils étaient forts. J'avais toujours peur que tu m'oublies, peur qu'il t'arrive quelque chose. "Bisous je t'aime aussi plus que toutes les choses qu'il existe. Tu me manques horriblement". C'était tes mots. 
           L'arrivée au lycée nous a complètement bouleversées. Pour la première fois, nous étions séparées. J'avais du mal à vivre sans toi, à ne pas te voir tous les jours. Tu avais rencontré d'autres personnes et je sentais que tu me remplaçais. 
           Mais un lien plus fort nous unissait. Tu m'avais confiée ne pas aimer que les hommes. M a toujours pensé que tu m'aimais. Il avait peut-être raison mais sache aujourd'hui que cet amour était partagé. Nous avons accéléré ce jeu si étrange, il n'était plus du tout aussi insouciant. Quand nous allions au cinéma, nous avions des gestes tendres dans la pénombre, à l'abri des regards. Tu me disais toujours "Ne dis rien à personne, cela reste entre nous, c'est notre secret." Parfois, tu m'embrassais pour me dire bonjour. Je n'étais pas d'accord et tu le savais, tu aimais vraiment me provoquer. Cette année-là, nous sommes allées beaucoup trop loin, nous avons franchi la limite du franchissable. Nous n'étions plus que de simples amies. Nous avons couché ensemble. C'était fort, c'était doux, c'était la première fois. Quelques temps avant nous avions eu une dispute, une dispute si forte que j'avais cru te perdre pour l'éternité. Cet acte faisait office de réconciliation.            Enfin, nous nous sommes vraiment perdues. Pour toujours. La dispute fut si horrible que je l'ai occultée. Je me rappelle juste que tu m'en voulais de fréquenter un garçon, tu m'en voulais car notre relation était autre chose qu'une amitié mais nous ne l'avions jamais clarifiée. 

           Je n'ai pas été quelqu'un de bien avec toi pourtant je t'ai aimée comme je n'ai rarement aimé mais je n'étais pas capable d'assumer à cet âge. En effet, ta bisexualité m'intriguait. J'ai mis plusieurs années à reconnaître ces sentiments. Pendant près de trois ans, je suis restée avec R, mon premier amour masculin. Je l'ai aimé d'une force incroyable et je pensais pouvoir rester avec toujours. A ce moment-là, j'essayais d'oublier notre histoire. Pourquoi aurais-je aimé les filles puisque j'étais si bien avec un homme? 
           Cet été, j'ai réfléchi. Comment cela se faisait-il que je sois si attirée par certaines filles depuis ma plus jeune enfance? En quelque sorte, quelques années après, tu m'as aidée à faire ce coming-out dont j'avais besoin. 

Reviens.

Klimt, Deux Amantes, 1905

lundi 13 octobre 2014

C. W.

Tu crois toujours que je ne t'aime pas, que je ne t'aime plus... Je pense surtout que je ne sais pas te montrer combien je tiens à toi, combien tu es la personne la plus chère à mes yeux avec Maman. 
Comment vivre si tu n'étais pas là? Oui, j'agis mal, je te crie dessus, je ne suis pas douce comme toutes les soeurs mais tous les enfants se disputent... 
Je suis en troisième année, tu souhaites tellement que je réussisse. Quel bien cela me fait quand tu m'encourages, quand tu m'aides, quand tu me dis que ce que je fais est bien, quand tu me montres que tu es fière de moi. Je m'en fous de tout ce qu'il y a sur terre, mais je ne peux me moquer de ce qui te concerne. L'art, les garçons, les filles, les amis, la nourriture, les peluches. Tout est vain. 
J'ai détesté comment tu m'as parlée aujourd'hui, évidemment je t'ai mentie, j'ai dit que cela ne me faisait rien. Mais bien sur que ca me fait mal! Tout ce qui te touche peut éventuellement me blesser car tout ce qui se rapporte à toi m'émeut. "Je lui ai raconté tout ce que tu me fais subir". Alors quoi? Alors quoi dis-le! Je te frappe? Non. Oui, je te parle mal, oui, je me comporte mal avec toi. J'essaie de souvent faire des efforts. Je sais que je suis une personne pas toujours agréable, même rarement. Quand je suis stressée, ça ne va pas. Il y a des choses que je ne t'ai pas dites, il y a des choses que j'aurais pu te dire mais que je n'ai pas réussi. J'ai recommencé à faire des crises d'angoisse, dernièrement, j'en ai fait une dans le métro. Si je le disais, Maman voudrait que je retourne me faire soigner sauf que je ne veux pas. Je suis comme toi, des fois, je n'ai juste pas envie d'être face à un docteur. Mon stress est incontrôlable, il me pourrit vraiment la vie. Je peux ne pas dormir pendant des heures car je demeure anxieuse. Mais toutes les raisons, je les connais. Comme toujours, j'évoque des circonstances, mais je n'ai pas d'excuses. Je ne te demande pas pardon car je sais qu'il est trop tard. Tu es trop rancunière pour oublier le mal que je t'ai fait hier.

Nous menons toujours la même vie mais je t'aime à l'infini.



Léon Spilliaert, La Buveuse d'absinthe, 1907, Collection Particulière

samedi 16 août 2014

On ne cesse jamais d'aimer une personne qu'on a véritablement aimé.

Ce refrain quotidien,
Cette mélodie assassine,
Cet espoir du lendemain,
Douce voix féminine,
Tendre être passionné,
Cette histoire du passé,
Que je voudrais tant ressusciter.
Mon esprit ne t'oubliera pas,
Mon futur t'appartiendra.
Merveilleux souvenirs,
Qui ne peuvent finir.
Mon ange, réponds moi,
Ta colère hurle-moi,
Mais je t'en prie,
Ne me laisse pas ainsi,
Dans cet état léthargique d'incompris.


Yves Saint Laurent et Pierre Bergé

Folies douces

Le temps d'une nuit, le temps d'une vie, le temps d'une promenade, le long du canal de l'infini, tu me regardes. Nous sommes seuls, seuls au milieu des autres. Le monde n'existe plus, autrui n'est plus. Je sens tes os, je sens ta peau. Tu murmures de doux mots, ton cœur crie plus haut. Tes mains parcourent mon corps, mes yeux plongent dans les tiens, j'inhale ton parfum. Ton odeur est celle de la rosée du matin après une folle pluie. Tempête de sentiments, avalanche d'émotions. Il vente tellement, et les nuages forment un trublion. Aucune peur, puisqu'il y a ton odeur. Ma tête plonge dans tes bras merveilleux. Tes doigts glissent le long de mes cheveux. Des étoiles apparaissent lorsque je sens tes lèvres contre les miennes. À cet instant, j'ai tant envie d'être tienne. Je désire tous ces doux moments fous.
Tu plaques ton torse contre mes seins, ton bassin contre mes reins. Mes mains prennent possession de ton corps. Je t'effleure et tu laisses échapper un petit "encore". Ta peau sent mon parfum, et la mienne s'imprègne du tien. Tu me possèdes durant un court instant. À tes côtés, je suis si bien. Tu me pousses à contre vent. Tu m'embrasses au milieu d'une verdoyante prairie. Nos corps s'abandonnent sur l'herbe humide. Dans ma tête résonnent des rêves d'infini. Je ne crois plus être lucide. Je ne vois que toi, je ne sens que toi, je ne veux que toi. En moi. Nous ne sommes que deux enfants, deux êtres insouciants. Qui s'adonnent à des jeux de grands.


Giotto et ses élèves, Rencontre à la Porte Dorée, Anne et Joachim, Chapelle Scrovegni, près de Padoue, 1300 - 1304

Souvenirs

True love never ends.

Ne jamais cesser d'aimer quelqu'un qu'on a aimé. Colette disait toujours qu'on aime vraiment que son premier amour, les autres ne sont ensuite que des figurants.
Tout ce que tu m'as donnée est à jamais dans mon cœur gravé. Tout ce que je t'ai dit, avoué, crié, je ne le dirai jamais à personne d'autre car tu étais le premier.
Je me souviens de la première fois ou tu as tenu ma main, du premier baiser, de la première fois, du jour ou tu m'as dit que j'étais ton rayon de soleil, des surprises que tu me faisais, des chansons d'amour qu'on écoutait ensemble la nuit, des fois ou tu me serrais si fort dans tes bras que j'étouffais, de ton sourire quand on se retrouvait.
Il y a des mots que tu m'as dit que je ne pourrais jamais effacer. J'étais ta princesse, ton ange, ta déesse, ta reine, ta chérie, ton amour, ton cœur.
Ce soir ou tu as voulu me quitter et que tu m'as dit que tu pleurais dans le train et que ce jour-la tu avais réalisé à quel point tu tenais à moi. L'étranger de Camus, c'était toi. Tu ne montrais jamais rien. Je t'ai vu pleurer dans mes bras, je t'ai protégé comme j'ai pu du monde qui nous entourait.
Tant que tu étais la, tout pouvait arriver.
Aimer était vraiment un euphémisme. Je n'aimerai plus jamais ainsi.
Nous avions la date parfaite, c'est terminé depuis plus d'un an. C'est fou comme le temps passe lentement. J'ai fait tellement de choses sans toi pourtant, mais depuis que tu es parti, je n'ai jamais recommencé à aimer. Une partie de moi ne t'a pas encore oublié, un morceau de mon cœur est encore dans notre histoire. Je ne veux pas aimer à nouveau un autre homme car je reproduirais les mêmes erreurs.

Tu resteras ma plus belle histoire.

J'aurais voulu rester ta vague et toi mon ouragan pour voguer infiniment sur l'océan.


Personne ne me connaîtra jamais comme tu me connais.


jeudi 10 juillet 2014

Mademoiselle Litchi


Jolie jeune fille errant dans la nuit,
La demoiselle, à l'air un peu mutin
Évoque les fourberies d'un lutin,
Elle sourit au milieu de l'infini.

Elle craint bien souvent la solitude,
Elle mène une vie parfois rude,
Mais elle se relèvera toujours,
Et luttera follement pour l'amour.

Derrière ses jolis sourires joyeux,
Se cachent de longs instants malheureux.
Tristesse familière, des erreurs,
Lui rappellent encore le mot malheur.

Terrifiée par toutes ces horreurs,
Elle croit néanmoins encore en le bonheur.
Elle dirige bien des troupes rebelles,
Son cœur n'est pas mort, il reste très fort.

Tendre princesse, observe bien tes torts,
Ton existence pourrait être si belle,
Suffit de tendre la main vers demain,
Heureuse tu seras, non pas en vain.



dimanche 6 juillet 2014

Visiteur de la nuit

Dans le noir profond, scintillent les étoiles,
La nuit clémente apporte son tendre lot de joies,
D'autres plus sombres demeurent toujours sans foi,
Bientôt le jour se lève et ôte le doux voile.

Plaintes sempiternelles des nocturnes saisons
Cessent leurs activités pour l'éternité,
L'espace, cet infini insouciant sans maison,
Sans ville docile et sans campagne agitée.

Naissance d'une passion et d'une vision,
Loin des terrifiants ténèbres imaginés,
L'obscurité envahit pourtant les missions,

Le début d'une lutte contre l'éphémère,
"Le temps court" insiste le jeune cavalier,
Le guerrier rattrape d'un vif bond la lumière.



mardi 24 juin 2014

Rencontre inattendue - Septembre 2013

Deux regards échangés. Des signaux envoyés. Des rêves éclipsés. Deux personnes. Un homme. Une femme. Ils avancent, se percutent. Son sac tombe. Il ramasse son rouge à lèvres carmin, son mouchoir blanc et ses lunettes. La foudre a frappé. Dans ses yeux, il s'est plongé. Elle est belle, doit avoir trente ans et il a un âge similaire. Une rencontre inopinée peut tout changer. Il imagine sa vie, il se projette dans ses pensées. Elle le remercie d'avoir ramassé ses affaires. Elle semble pressée. Oui, mais par quoi? Au milieu de cette foule oppressante d'un boulevard parisien, il ne voit plus qu'elle. Ses yeux l'appellent, ses seins frémissants le réveillent, ses lèvres tendres l'émerveillent. L'espace d'un instant, il a vu cette femme, belle, il aurait voulu lui dire tant... Il ferme les yeux un moment, fatigué par ces nuits agitées, mais déjà, elle n'est plus là. Elle est la femme d'une avenue, des Champs-Elysées, la femme qu'on croise et qu'on ne retrouve plus. Déjà, il a perdu sa trace. 
Elle reste celle avec qui il a entrevu des rêves, une vie meilleure que celle d'un homme de trente ans ne vivant que pour son travail épuisant.
Femme d'un instant à qui il pense souvent. Peut-être l'apercevra-t-il au coin d'une rue, dans un couloir de métro, au fond d'un café. 
Coup de foudre.

- Tu te souviens de moi? 
- ....
- Je t'ai bousculée l'autre jour aux Champs et j'avais fait tomber ton sac.
- Je me rappelle
Froide, glaciale même elle semblait. Il n'avait pas osé lui dire qu'il la trouvait jolie, qu'elle avait quelque chose de particulier. Envoûté, il n'avait pas pensé à lui demander son nom, ni ses coordonnées. Pris de regrets, il la suivit.
Elle vivait dans un appartement situé près des Buttes-Chaumont. Elle l'aperçut. Etonnée, angoissée, sa bouche demeurait close, ses lèvres ne voulaient se délier. Un inconnu la suivait jusqu'à chez elle. Mais que pouvait-il donc lui vouloir? Elle, cette femme sans histoire, pas mariée, vivant seule avec comme unique occupation sa boutique de prêt-à-porter qu'elle gérait depuis la mort de ses parents. 
Une styliste méconnue inspirée par les arabesques et les motifs Art Nouveau. Elle rêvait de se lancer dans la joaillerie et de créer des motifs à la Lalique. Elle était partie à Vienne et avait été fascinée par les tableaux de Klimt. Depuis, elle vouait un culte à l'Art Nouveau. 
Il ignorait tout de sa personnalité. 
- Que me voulez-vous? Pourquoi m'avez-vous suivie jusqu'ici? 
- Je vous trouvais jolie et je voulais discuter. 
- Allez vous-en !
Elle eut pitié en voyant son regard dépité. Ses yeux n'étaient plus émeraude mais un diamant terni. 
- Venez, allons prendre un café !

Aristide Maillol, Profil de femme, vers 1890, huile sur toile, 73X100cm, Perpignan, musée Rigaud



jeudi 12 juin 2014

Cauchemardesque réalité - 2010

Elle n’était ni frêle, elle n’était ni belle,
Juste perdue dans un monde inconnu,
Recroquevillée au coin d’une rue
L’esprit ainsi que les idées s’emmêlent,


Yeux trop maquillés et teint orangé,
Paillettes, puis, du noir. Impossible d’y croire.
Rêves d’été, de fille émerveillée,
D’une demoiselle désespérée,

Dont les songes n’étaient pas réalisés.
Il suffisait de voir dans son miroir.
Glace tâchée, souvenirs envolés.
Un reflet souillé de gouttes de sang.
           
Et un paraître  loin d’être innocent,
Allant de provocant à aguichant.
La jupe s’envolant avec le vent
Laissait entrevoir son côté vivant,

Femme d’argent ou bien de compagnie,
Gourmandise ou objet de tentation, 
Péchés de la sauvageonne de la nuit,
Ephémérité du doux papillon.

A la pointe de la vulgarité,
Dénudée et rarement habillée
Celle qui garde vos hommes entre ses griffes
Et qui rend vos maris toujours plus vifs.
           
Puis la péripatéticienne s’en va,
Elle est à nouveau seule, à nouveau las.
Poches fleuries de billets, de monnaie,
Elle serpente les impasses en secret.

Il fait jours, elle a peur de cette horreur
Pourtant chaque soir la même erreur
Elle se déteste mais elle n’y peut rien.
Elle veut arrêter, ne plus être un chien.

Alors elle se prend en main, mais en vain.
Elle noie son chagrin dans  dix verres de vin.
Chez un client, elle fait couler un bain.
Pour une fois, elle décide de la fin.
           
Elle s’ouvre et s’autotaille les veines
Elle vide l’eau et écrit sur son dos
Quatre syllabes, douze lettres, un mot :

Prostitution.

Gervex, Rolla, 1878, Paris, musée d'Orsay


mardi 10 juin 2014

Dix ans après - évolution

Soleil luisant, pluie ensevelie.
Jours sombres, où êtes-vous? Morosité, que deviens-tu? L'appel de la douleur s'était calmé. Le bonheur suit le mouvement des fleurs, il tend vers la chaleur comme ces tournesols couleur or. Les moeurs disparaissent, le temps s'arrête. Un lutin est entré dans l'horloge et a défait le mécanisme. Il est tard mais peu importe puisque les minutes ne s'écoulent plus. Tu es mort et je vis encore. Je t'aime de toutes mes forces, je souris pour toi, des années après. Tu restes si près, mais si impalpable. Violet, rouge, bleu, vert. Quelle est ta couleur? 
Te lancer un seau de farine pour te permettre d'apparaître? Tu demeures un spectre. Les fantômes ne parlent pas et perpétuent leur invisibilité. Pourquoi les ailes de la blanche colombe ont emporté mon enfance? Qu'aimes-tu aujourd'hui? Est-ce qu'au ciel tu observes les enfants crier, les amants s'aimer et les canards se chamailler? Vois-tu la fin du monde? Du mien? Tu peux aussi ne plus exister. Un au-delà chimère, un là-bas éphémère. Taire ton nom en t'aimant pour l'éternité. Si tu savais comme je vais bien sans toi, je n'ai pas perdu ma dignité. Le sourire, les fous rire, vivre. A la lueur de la bougie, je t'écris. Sans toi, je n'imaginais pas la vie pourtant, j'ai passé plus de temps sans toi qu'à tes côtés.
Un soir de fête des mères, une veille d'anniversaire, un jour ensoleillé. 

Ce jour de juin si bien commencé où tu t'en es allé.



Friedrich, Femme dans le soleil du matin, 1818

dimanche 8 juin 2014

Quelques vers matinaux

Rosée du matin après un soir de pluie,
Douceur enveloppante d'une tendre nuit,
Eau ruisselante et cours d'eau,
L'averse s'abat autant que les maux,
Parler ne suffit plus, l'amour est tu
Voir la vie comme un ingénu,
La parole est vaine, l'extase plus saine,
Nous évoluons dans ce monde incroyable,
Où nous nous sentons souvent incapables,
Les hommes ressemblent à des silènes,
Là, au milieu du jardin, une accalmie,
Deux amoureux s'étreignent au milieu des fleurs,
Les gestes source de leur bonheur,
Ces amants goûtent à l'infini.

August Sander, Enfants de bourgeois, 1925, photographie, argentique


dimanche 23 mars 2014

Je te demande pardon.

Je n'ai jamais su t'aimer ni te protéger comme une grande sœur aurait du le faire. Je te détruis en me favorisant. Tu souffres et je suis une des causes. Et si tu voulais partir pour toujours? Que ferais-je sans toi? Tu as seize ans mais dans ta tête, tu sembles déjà vieille et morte. Pourquoi ne manges-tu pas? Il faut vivre pour être heureux. J'aimerais t'aider, te donner goût à la vie. Je voudrais être là pour toi mais je crois que c'est trop tard et que tu refuses mon soutien. 
Je voudrais que tu me frappes et m'hurles que je t'ai détruite et que tu me dises tout ce que tu as sur le cœur mais pas que tu restes prostrée et muette à subir encore et toujours.
Je donne de l'amour à de nombreuses personnes, je rends heureux beaucoup d'amis mais toi, je n'y arrive pas. 
Je crois t'avoir apportée plus de mal que de bien dans ta vie. Je ne suis plus ta sœur mais un être quelconque qui vit avec toi et qui te cause sans cesse du mal. J'aimerais pouvoir quitter la maison afin que tu te reconstruises.
L'an passé, je t'ai énormément fait souffrir, j'aurais voulu éviter, je regrette aujourd'hui, j'avais mes raisons même si ce n'est pas une excuse. 
J'ai du mal à vivre avec toi, ce n'est pas contre toi mais je ne sais plus comment agir. Plus je vis et plus tu sembles triste mais je ne peux pas me détruire pour que tu ailles bien.
Contrairement à ce que tu peux penser, ta maladie me ronge et j'aimerais pouvoir l'éradiquer.
Même si je ne sais pas le montrer, je t'aime et t'aimerai toute ma vie.


Klimt, Portrait d'une jeune fille

dimanche 9 février 2014

C.

Fuir. La seule option trouvée pour survivre. Sortir. Ne jamais être à la maison. Toujours rire. Je ne me sens bien que dehors. J'ai tendance à toujours réagir ainsi quand les événements sont trop douloureux.
Cette solution n'est sans doute pas la meilleure mais je n'ai pas la force de t'affronter tout le temps. Tu penses sans doute que je t'abandonne mais tu trompes... Je vois à ton regard que tu te sens délaissée, tes mots sont si durs envers moi.

Je ne te laisse pas, je ne te laisserai jamais. Tu ne le sais pas mais je pleure très souvent le soir quand tu es couchée en pensant à toi. J'ai tellement envie que tu guérisses. Je te vois essayer de faire des efforts mais ne pas y parvenir véritablement et cela me fait mal. Si je fuis, c'est pour mon bien et pour le tien. Si je restais avec toi tout le temps, je pleurerais sans arrêt et je ne pourrais jamais t'aider. 
Je n'ai pas la bonne attitude envers toi, je le sais, je n'ai même plus la force de te parler régulièrement. J'ai toujours peur que tu me rejettes, je ne sais pas ce que tu voudrais que je fasse. Je ne veux pas que tu penses que je te laisse tomber, ce n'est vraiment pas le cas. Quand je te vois manger, j'ai parfois envie d'hurler. Quand je te vois encore et encore faire du sport, mon coeur se pince. Pourquoi continuer à te détruire? Quand arrêteras-tu? Je ne voulais tellement pas que tu ailles à l'hôpital, mais que faire si tu continues à ne pas vouloir être aidée? Qu'est-ce que tu veux? Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Pourquoi refuses-tu de l'aide? Je ne suis pas assez puissante pour te sauver, Maman ne peut pas y arriver malgré tous les efforts qu'elle fait. 

Il faut que tu vives, que tu sois heureuse à nouveau, que tu sois en meilleure santé. 
Aujourd'hui, je ne souhaite qu'une chose, que tu ailles bien. J'aimerai tellement que tu puisses à nouveau sourire sans mentir. 

samedi 25 janvier 2014

Début d'un dialogue?

Je me souviens de toi quand tu étais petite et que tu riais tout le temps. Je me souviens aussi des fois où tu pleurais parce qu'on se battait. 
Et puis Papa est mort et tout a changé. Tu as changé, maman a changé, j'ai changé. La douleur ne s'atténue pas avec le temps, nous le savons toutes les deux. Tu souffres, j'ai énormément souffert de son absence quand j'étais au collège, je me demandais quel sens pouvait avoir la vie sans lui. Durant des années, je n'ai plus eu de souvenirs de notre enfance avec lui. J'ai trouvé sa mort encore plus injuste pour toi que pour moi, tu l'as encore moins connu. On en parle jamais, comment en parler? Pourquoi? Nous avons toutes la même douleur et je ne sais pas en parler sans en pleurer. Je n'ai pas su faire mon deuil et toi non plus. Je ne sais pas si un jour on le fera.
Après sa mort, pendant trois, je me suis voilée la face, j'ai fait semblant que tout allait bien et que je pourrais surmonter cela seule. C'était une erreur, aujourd'hui, je le sais. J'ai été aidée, c'était la meilleure solution, j'en suis ressortie beaucoup plus forte.

Comme toi, je ne me suis jamais sentie comme les autres. J'avais toujours l'impression d'être différente et qu'ils ne me comprendraient jamais. Et puis, j'ai rencontré Clara. Clara m'a beaucoup apportée car Clara a une force que personne n'a. Elle m'a apprise que dans la vie, il faut avoir la rage de vivre. On a cherché toutes les deux des personnes qui, un jour, nous comprendraient, qui, un jour, arriveraient à se rendre compte de notre souffrance. Mais personne ne peut se mettre à notre place malheureusement. Nous serons toujours différentes mais pour autant, nous ne pouvons pas être en dehors de la société. 

Hier, une de tes amies a perdu son père. Tu sais ce qu'elle ressent et c'est pour cela que ça te fait si mal. D'une part, son histoire te rappelle la tienne. D'autre part, tu n'as pas envie qu'elle connaisse la même souffrance.

Nous réagissons tous différemment à la souffrance. Je faisais des crises d'angoisse, je me pourrissais la vie à cause du stress et de l'absence de Papa. Toi, tu ne manges pas. J'ai tellement lu d'articles sur les anorexiques, je me suis renseignée. Je ne veux pas de tous ces traitements pour toi. Ils internent les filles quand elles sont trop maigres et les coupent de leur famille et de leurs amis. Les résultats sont plutôt vains. Je sais qu'il ne faut pas te dire de manger manger manger comme les gens n'ont de cesse de te dire. Pourquoi s'acharner sur toi? Je te soutiendrai toujours, je me débrouillerai pour que les gens ne t'embêtent plus avec ça. Je me rappelle des débuts de ton refus de t'alimenter convenablement, les autres te trouvaient grosse à l'école, tu as voulu rentrer dans le moule au départ, puis l'enfer a commencé... Je vais te dire une phrase que j'ai entendu dans le film sur Yves Saint Laurent, "Est ce que tu veux mourir ou est ce que tu veux vivre?". Dis moi que tu veux vivre, avec Maman on est là, qu'est ce que je ferais sans toi, qu'est-ce qu'elle deviendra si tu disparais?

Tu ne dis jamais rien, je n'ai jamais su pourquoi nous étions si différentes... Tu es inquiète pour Maman, je le sens. C'est vrai qu'elle peut retomber malade mais pour l'instant elle va bien... J'ai merdé quand elle souffrait de son cancer, je n'ai pas su m'occuper d'elle comme tu le faisais, je n'ai pas ta force de caractère, je ne sais pas résister devant la douleur des autres. 

Je me souviens l'an passé quand tu avais un copain, tu étais tellement différente, pour la première fois depuis des années, j'avais l'impression que tu vivais. Et un jour, il est parti. Tu n'as jamais dit que tu avais mal mais ca se voyait. C'est normal de pleurer, de souffrir pour son premier amour même quand on a vécu des tas de choses avant. Quand Romain m'a quittée, j'ai cru que le monde entier allait s'écrouler, je me trouvais pitoyable, j'étais juste humaine. 

Tu te réfugies dans les cours pour oublier mais est-ce efficace?
Ce n'est pas être fou que de voir un psychologue, au contraire. Je sais combien c'est dur d'y aller. Quand on y va, on s'avoue qu'on n'est plus capable de tout faire seul alors qu'avant on croyait pouvoir vaincre des armées entières. Pourtant, c'est excellent car ça permet de se reconstruire, de comprendre tout ce qui ne va pas en nous. 


Malgré tout ce qu'on vit, je suis persuadée qu'on peut toujours s'en sortir.